top of page
Photo du rédacteurSima Ohadi

L'effet de la pandémie de COVID-19 sur l'aversion au risque des individus. : un traumatisme durable ?

Dernière mise à jour : 9 août

Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur l'économie mondiale sont vastes et profondes. Une étude récente de Sima Ohadi, Co-fondatrice et Chief Behavioral Officer d'OdonaTech et Luc Meunier, Co-fondateur et Professeur de Finance à ESSCA School of Management, publiée dans Economics Bulletin, explore comment les préférences en matière de risque et de temps des personnes avant la COVID et un an après la première vague de COVID.



L'effet de la pandémie de COVID-19 sur l'aversion au risque des individus. : un traumatisme durable ?
L'effet de la pandémie de COVID-19 sur l'aversion au risque des individus. : un traumatisme durable ?


Les conséquences de la pandémie COVID-19 sur l'économie et le secteur financier suscitent de  nombreuses questions. En raison du confinement, il est clair que nous allons être confrontés à une  récession. La question fondamentale en matière d’analyse du comportement financier des individus  est de savoir si cette situation va modifier leur prise de risque.  


Pour les conseillers financiers, les banquiers et les décideurs politiques qui souhaitent se projeter et  s’adapter aux évolutions des préférences de risque, il est essentiel de comprendre ce qui entraîne des  variations dans les préférences de risque et combien de temps elles peuvent persister. Si les variations  de l'aversion pour le risque sont faibles et de courte durée, leurs conséquences sont également  mineures. Mais si, au contraire, le changement est important et durable, ses effets le sont aussi.


Les préférences de risque évoluent


Ce sont des paramètres clefs pour comprendre les décisions financières. Elles déterminent toutes les  décisions comportant un élément de risque, notamment la participation au marché, le choix du  portefeuille, la demande d'assurance, le choix d'un crédit, etc. Pendant longtemps, l'économie a  considéré que les préférences de risque étaient invariantes dans le temps, mais il est maintenant admis  qu’elles peuvent changer avec le temps et dans certaines circonstances.


Mais qu'est-ce qui explique ces variations des préférences des individus en matière de risque ? S'agit il principalement de facteurs économiques ou de forces psychologiques ? Dans des situations chocs  comme la pandémie COVID-19, quel est le principal facteur qui influe sur la prise de risque des individus  ? Et, plus important encore, sur quel laps de temps peuvent avoir lieu ces variations ?  


Les préférences de risque peuvent changer en fonction de variables spécifiques aux individus, telles  que l'âge, mais aussi de facteurs communs, qui peuvent affecter l'aversion au risque de toute la  population.  


Une crise financière ou des situations telles que la pandémie de COVID-19 font partie de ces  événements qui amènent chacun à avoir une plus faible tolérance vis-à-vis du risque. L'approche  classique pour expliquer les changements dans les préférences de risque en raison d'événements  économiques défavorables consiste à les relier aux modifications relatives au montant du patrimoine  des ménages ou aux changements dans leurs revenus futurs projetés.  


Par conséquent, on pourrait s'attendre à ce que les préférences de risque reviennent au niveau  précédent lorsque la richesse se reconstitue et que les salaires deviennent stables au cours du cycle  économique.  


Pas si simple, si l’on en croit l'étude de Guiso, Sapienza et Zingales (2018) qui montre que la baisse  substantielle de l'aversion au risque après la crise de 2008 ne peut pas être expliquée par le  changement du niveau de richesse. Ce qui semble expliquer la baisse de la prise de risque sont des  facteurs émotionnels. 


Risque : une expérience émotionnelle


Le risque et les émotions sont profondément liés. Dans notre cerveau, le risque est codé comme une  expérience viscérale et émotionnelle. Inversement, les émotions modifient l’acceptation du risque. 


Par exemple, l'humeur peut être affectée temporairement par les conditions météorologiques. Et les  changements dans l'exposition à la lumière entraînent une variation de l'aversion au risque et, par  conséquent, influent sur les décisions financières (Kramer et Weber 2012).


Les nouvelles terrifiantes et les tweets angoissants sur la mort de milliers de personnes en une journée,  l'interaction avec des amis qui ont perdu leur emploi ou ont perdu de l'argent sur les marchés, toutes  ces nouvelles déclenchent des réactions émotionnelles. Il est donc facile d'imaginer que des  événements catastrophiques, qu'ils soient économiques ou non, peuvent déclencher une forte  réaction émotionnelle telle que la peur, qui entraîne par conséquent une augmentation de l'aversion  au risque. Cela explique pourquoi même les investisseurs qui ne perdent pas d'argent deviennent plus  réticents à prendre des risques en cas de baisse des marchés. 


Bien que ces réactions émotionnelles soient naturelles et susceptibles d'avoir des effets temporaires  sur l'aversion au risque, si l’expérience se révèle traumatique, les émotions peuvent aussi avoir des conséquences à long terme sur l'aversion au risque. Des chocs importants et inhabituels, tels que la  perte d'un emploi ou l'exposition à une crise financière, peuvent provoquer de tels traumatismes.


Un traumatisme à vie pour l'aversion au risque ? 


Un événement tel que la pandémie COVID-19 peut donc avoir un effet durable sur les croyances et la  prise de risque des individus, en particulier pour certaines classes d'âge. Une étude sur les ménages  norvégiens montre que les investisseurs qui ont été exposés à une plus grande incertitude  macroéconomique à l'âge de 18-23 ans investissent une part plus faible dans les actions au cours de  leur vie (Fagereng, Gottlieb et Guiso 2017). Même ceux qui ont connu de faibles rendements boursiers  tout au long de leur vie sont moins susceptibles de participer au marché boursier et, s'ils y participent,  investissent une plus petite fraction de leur richesse liquide dans des actions (Malmendier et Nagel  2011)


L'aspect émotionnel de cet épisode de la pandémie est fort. Il augmentera l'aversion au risque à court  terme, augmentant ainsi le montant investi dans des valeurs refuges comme l'or, et réduisant les  montants investis dans des actifs à risque, comme les actions.


Si cet incident devient une expérience traumatisante pour beaucoup, il peut induire une diminution  significative et durable de l'aversion au risque.


Plus que jamais il est donc très important pour les conseillers en investissement de comprendre la  dimension émotionnelle de la tolérance au risque. C'est sans doute l'un des facteurs clefs de succès de  l'après "crise" : les conseillers devront savoir personnaliser leur approche pour aider chacun de leurs  clients à contrôler ses émotions et à gérer au mieux ses investissements sur le long terme. Car, au-delà  du côté émotionnel, la baisse récente des marchés offre de très belles opportunités d'investissement.


Références  


Fagereng, Andreas, Charles Gottlieb, and Luigi Guiso. 2017. “Asset Market Participation and Portfolio  Choice over the Life-Cycle.” The Journal of Finance 72 (2): 705–50. 

 

Guiso, Luigi, Paola Sapienza, and Luigi Zingales. 2018. “Time Varying Risk Aversion.” Journal of Financial  Economics 128 (3): 403–21.  


Kramer, Lisa A, and J Mark Weber. 2012. “This Is Your Portfolio on Winter: Seasonal Affective Disorder  and Risk Aversion in Financial Decision Making.” Social Psychological and Personality Science 3 (2):  13–99.  


Malmendier, Ulrike, and Stefan Nagel. 2011. “Depression Babies: Do Macroeconomic Experiences  Affect Risk Taking?” The Quarterly Journal of Economics 126 (1): 373–416.




Comments


bottom of page